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Titre du blog : Quinze histoires de Noël
Auteur : MarioNoel
Date de création : 28-11-2021
 
posté le 09-12-2021 à 09:14:17

La parade du père Noêl

 

PRÉSENTATION



 Mon roman Contes d’asphalte a été publié en 2001 et fut le meilleur vendeur de me phase première comme auteur public. Histoire de longue haleine, il présentait Carole, fille de Roméo, jeune intellectuelle devenant institutrice à l’école des filles de la paroisse Sainte-Marguerite, de Trois-Rivières, lieu où se manifestait une grande solidarité entre hommes et femmes, dans le cadre d’une admirable coopérative d’habitations ouvrières, œuvre d’un religieux pragmatique, le curé Chamberland. Carole y rencontre l’amour de sa vie, en la personne de Romuald, simple ouvrier d’usine. Un mariage suit, ainsi que la naissance d’un premier enfant : Martin. Ce garçon est en vedette dans la seconde partie du roman. Enfant plein d’imagination, il vit sans cesse le bonheur auprès de ses parents, de son petit frère et de sa sœur bébé, de son milieu, mais surtout de son grand-papa Roméo.

 

L’extrait présenté fait partie d’un chapitre entier (une vingtaine de pages) concentré sur tous les aspects de Noël, mais je sais qu’en l’offrant en entier, il se démarquerait trop des autres textes. J’ai donc choisi le début : une parade du père Noël, organisée par le grand magasin à rayons Fortin, de Trois-Rivières. Le petit Martin a cinq ans, et adore, bien sûr, le gros bonhomme vêtu de rouge, croit tout ce qui peut le concerner. Un grand moment de sa vie que d’assister à cette parade, en compagnie de sa mère, de son jeune frère et de sa cousine et du frère de celle-ci, guidés par Roméo. Je souligne que la description de la parade, ainsi que tous les noms des éléments participants sont véritables, ayant trouvé ceci dans un journal local. Je n’ai eu qu’à ajouter l’imagination fantaisiste de Martin, pour un récit très enfantin. Par contre, si vous croyez qu’un petit gars de cinq ans s’exprime tel un adulte, je précise que dans le roman, il s’agit d’un texte écrit par mon personnage alors qu’il avait atteint la cinquantaine.

 

 

 

 9- LA PARADE DU PÈRE NOEL (1955)            



La parade du père Noël, organisée par le grand magasin Fortin, représente l’événement le plus extraordinaire de la Terre. Le père Noël pourrait faire cette parade dans des grandes villes comme Tokyo, Paris, New York ou Asbestos, mais c’est bel et bien Trois-Rivières qu’il a choisi pour nous accueillir lui-même dans son royaume des jouets.           


Mon frère Marcel, beaucoup plus jeune que moi, croit que le père Noël peut être partout à la fois, comme le bon Dieu. Je le lui laisse croire, car cela fait partie de la douce naïveté de ses trois ans. Quand il aura mon âge, il comprendra que notre héros préside à la tête d’une grande organisation de distribution de jouets et qu’il a sous ses ordres de nombreux employés déguisés pour travailler dans les magasins. Ainsi, à Trois-Rivières, le père Noël de chez Loranger est un employé du vrai, qui règne chez Fortin. Papa me l’a affirmé, grand-père Roméo aussi et le père Noël lui-même m’a confirmé ce fait.

 

Afin de fêter son arrivée chez Fortin, le père Noël se prête de bonne grâce à une parade dans les rues de Trois-Rivières. Pour l’occasion, les fanfares mastiquent leurs trompettes, les majorettes aiguisent leurs bâtons et des tas d’adultes se déguisent pour faire croire qu’ils sont Roy Rogers ou Mickey la souris. Cette année, on nous promet Davy Croquette, ce qui excite beaucoup mon frère. Tout le monde sait que le vrai Davy Croquette habite à Hollywood et que celui que nous verrons à la parade n’est qu’un faux, déguisé comme le vrai, mais Marcel se dit content à l’idée de voir le véritable Davy. Ah! La tendresse de l’enfance… Cette année, nous irons à la parade en compagnie de grand-père Roméo, avec ma tante Patate et ses enfants Robert et Johanne. C’est d’ailleurs à leur maison que nous nous rendons, avant de cueillir grand-papa chez lui. Ma cousine Johanne se sent nerveuse à l’idée de voir le père Noël, se remémorant avec nostalgie la parade de l’an dernier.         



« Et puis, là là, il y avait un chevreuil avec un nez rouge, là là, et puis un bonhomme de neige vivant, là là.         

- Ce n’est pas un chevreuil, mais un renne.    

- Ze te dis que c’était un vrai chevreuil, là là ! Et puis, là là, après, le père Noël est arrivé ! Et puis, il m’a salué en disant Oh ! Oh ! Oh ! La belle petite Zohanne ! Et puis, là là, quand ze l’ai vu chez Fortin, il se souvenait encore de moi, là là.         

- Le père Noël connaît tous les enfants, Johanne.         

- Et puis, là là, après, il a lancé des sacs de bonbons et z’en ai attrapé deux, là là ! Il y avait des zuzubes zaunes dans le sac ! Z’étais contente! »

 

 

 J’ai l’air un peu calme, en comparaison avec Johanne et Robert, mais en réalité, je me sens nerveux. Je sais contrôler mes émotions. L’habitude fait qu’avec le temps, on peut se donner un peu de contenance, même face aux grands événements de l’histoire de Trois-Rivières. Le père Noël est l’homme le plus important du monde. Aussi très savant, connaissant toutes les langues, se souvenant des noms de chaque enfant et pouvant fabriquer tous les jouets inimaginables. Bien sûr, ces jouets, on peut les voir sur les rayons des magasins, mais ceux-ci les commandent du grand atelier du père Noël, au pôle Nord. Quand les enfants sont sages, comme moi, le père Noël apporte ce qu’on lui demande. Quand ils sont turbulents, comme Gladu, il donne quand même des jouets, mais pas ceux voulus. À tout coup, ça fonctionne. Les autres années, j’ai fait des demandes raisonnables et il a satisfait mes exigences. Un vrai professionnel, ce père Noël. Cette année, maintenant que je sais écrire, je lui ai envoyé une lettre et comme j’irai quand même le voir dans son royaume des jouets, je vais lui demander exactement la même chose que dans ma lettre. Ainsi, il n’y aura pas de risque d’erreur.          



Les erreurs peuvent se produire, même chez le père Noël. Par exemple, l’an dernier, Junior avait demandé un gant de baseball et il s’est retrouvé avec un bâton de hockey. Le père Noël s’était trompé de sport. Avec toutes ces lettres, on doit faire preuve d’un peu de compréhension s’il commet une petite faute. Cette année, je lui demande une station-service à deux étages, avec un ascenseur, deux pompes à essence et des grandes vitrines. Je lui ai fait une description détaillée en me basant sur une photographie prise dans un grand catalogue Eaton. En plus de cette station-service, je lui demande la paix sur la Terre. Le père Noël adore quand on demande cela. C’est un grand sentimental.         




« Moi, là là, ze vais lui demander de la vaisselle, celle qui est bleue, là là, avec des fleurs rouges dedans, là là.         

- Très bien, Johanne.         

- Puis en plus, là là, ze vais lui demander du linge pour mes poupées, et puis, là là, un fer à repasser, puis après, là là, ze vais lui demander une toupie verte qui…         

- Johanne ! Tu demandes un seul cadeau au père Noël ! Le supplément, tes parents vont l’acheter.         

- C’est vrai, ça ?         

- Oui.         

- Oh là là… »          




Il y a une belle neige fine tombant sur ma ville. Une température idéale pour accueillir notre ami vêtu de rouge. Voici les majorettes, en vert et blanc, suivies d’un char avec des gros bonshommes de neige entourés de ballons multicolores. Voilà Goglu le bouffon, avec des cannes sucrées géantes sur son char, puis des policiers à gros nez, Fifine la girafe et une immense poupée Chérie avec sa robe orangée. Après les brigadiers d’école, voici le lapin Serpolet et enfin Davy Croquette – Marcel passe près de s’évanouir – puis Peter Pan, un bouffon en habit bariolé et les cadets de Shawinigan. Voilà Patapouf ! Avec Porcinet le cochon, le Petit Poucet (avec ses bottes des sept milles), Simplet, Mickey la souris, Bambi et d’autres brigadiers. Il y a aussi la philharmonie de l’école de La Salle qui joue de la belle musique de fanfare. Voici une autre girafe – elles sont très à la mode, cette année – puis un char avec une princesse et son château. Bonjour, Jumbo l’éléphant ! Et, enfin, le père Noël ! Johanne crie en sautillant, alors que grand-papa Roméo grimpe Marcel sur ses épaules.         



« Oh ! Oh ! Oh ! » dit-il. Le père Noël s’exprime ainsi quand il se sent content. Il nous envoie la main en riant de plus en plus. Il me semble en pleine forme ! Ses belles joues rouges, sa longue barbe, son nez rond, ses petits yeux. Dans ma lettre, je lui ai demandé de prendre soin de sa santé, car selon maman, lorsqu’on est corpulent, il y a du danger pour une crise du cœur. Autour de lui, des lutins pigent des sacs de bonbons dans des grosses poches et les lancent aux enfants sages. Je tends les mains ! En vain ! Je n’attrape rien ! Je cours au devant, puis aperçois un sac par terre. Vite, je m’y précipite ! Mais un pied l’écrase et une main le ramasse.         




« Gladu ! Qu’est-ce que tu fais là ? C’est mon sac de bonbons ! Je l’ai vu avant toi !         

- Non, espèce de Comeau crotte de cheval.         

- T’as pas affaire ici ! C’est une parade pour les enfants sages !         

- T’es donc niaiseux, Comeau ! Tu crois encore à ces affaires-là ? Le père Noël, c’est pour les bébés, mais les bonbons, c’est pour moi ! Débarrasse le plancher, plein de crottes de gorille ! »         




Comment le père Noël peut-il tolérer un tel énergumène pendant sa parade ? Oh, je sais bien que le père Noël aime tous les enfants, mais Gladu est un monstre. Pas la même chose ! Essayant de retrouver tante Patate et grand-papa, je croise Daniel avec son père. Il en a long à raconter sur la parade. Nous nous retrouverons ce soir chez lui pour échanger nos impressions en compagnie de Junior et de Richard. Près du magasin Fortin, le père Noël offre un dernier discours, rappelant aux enfants la nécessité de demeurer sages s’ils veulent obtenir la bonne livraison le soir du 25 décembre. Tu parles que je le sais ! Mais je suis toujours sage ! Si simple avec le père Noël : tu es sage et hop ! tu as un cadeau ! Le tour est joué !